Voici la seconde et dernière partie de l'interview de Kiko Loureiro menée par Alissa Ordabai pour le site HardRock Haven. Lire l'interview entière (en anglais) ici : http://hardrockhaven.net/online/2010/kiko-loureiro/. Lire la traduction française de la première partie ici : http://kloureirofranceblog.blogspot.com/2010/09/kiko-loureiro-interview-pour-hardrock.html
Traduction française par Kiko Loureiro France Blog.
"HRH : Avec quelle précision est-il possible de transmettre le sentiment premier qui a inspiré un morceau ? Est-il possible de transmettre à tous à travers la musique 100% de ce que tu ressens ?
Kiko Loureiro : Et bien oui. Tu dois être sincère. C'est une question difficile. Tu dois être très sincère à propos de ce que tu aimes vraiment, mais je pense que parfois les musiciens ne sont pas sincères. Je pense que les guitaristes quand ils font un album solo, ne font pas quelque chose de très populaire, nous ne le faisons pas pour les ventes ou quelque chose de ce genre. Mais on est sincère parce que l'on aime ça. Tu ne fais pas quelque chose parce que tu penses que les gens vont aimer ça ou pas, dans le genre "je ne vais pas jouer cette corde parce que c'est trop fou, et je pense que les gens n'aimeront pas". Si tu aimes, fais-le. Lorsque tu sors un nouveau morceau, et que tu l'aimes, alors tu as un bon sentiment, tu te sens bien. Quand il y a quelque chose d'intéressant qui se passe, alors il existe un lien - à partir de cette mélodie, cet accord, ce morceau - avec ton corps en quelque sorte. Avec ton cerveau, avec ton corps. Et puis il faut être sincère avec toi-même. Tu ne dois pas essayer de tricher et être quelqu'un d'autre. Si tu composes quelque chose que tu aimes, alors c'est du 100%. Je ne sais pas si c'est clair."
HRH : C'est très clair, aussi clair que cela peut être quand tu parles de ce genre de choses. J'ai une autre question, qui peut paraître stupide, mais je vais quand même la poser. Est-ce que ta musique te surprend toujours ? As-tu déjà réécouté des choses que tu avais écrites, ou jouées et dis "Je ne savais pas que j'avais cet aspect de caractère". Cela s'est-il déjà produit ?
Kiko Loureiro : Oui, oui, oui. C'est normal, lorsque tu mets une certaine distance face à ton travail. Lorsque tu écoutes quelque chose que tu as enregistré il y a de nombreuses années. Parfois, tu es si proche de ton travail, tu ne peux pas prendre de recul. Lorsque j'écoute certains trucs que j'ai enregistré dans les années 90, je me dis "Wow, c'était moi quand j'avais vingt et quelques années !". Et ça peut surprendre : "Comme j'étais naïf, je faisais ça juste à cause d'un guitariste ou de la musique que j'écoutais à cette époque ! Je n'étais pas si sincère et j'essayais juste de jouer comme quelqu'un d'autre ! ". Cela arrive. Ça me surprend quand j'écoute quelque chose d'il y a vingt ans. Je ne me reconnais pas. Mais j'étudiais la guitare et la musique. J'ai toujours été un mec rock, je jouais de la guitare rock et j'écoutais beaucoup de grands guitaristes comme Jeff Beck et Steve Vai. J'essayais aussi d'apprendre des guitaristes acoustiques, d'apprendre des harmonies intéressantes venant du jazz, en essayant de les combiner avec la musique rock, des choses empruntées aussi à la musique classique et la musique arabe. Et j'ai commencé à apprendre comment combiner le rock avec tous ces autres éléments. Aussi, cela me surprend de voir la façon dont je faisais les choses dans ces années là.
HRH : Quant tu étais jeune, avais-tu une ambition musicale claire ou un objectif défini dans la musique ?
Kiko Loureiro : L'essentiel pour moi était que je voulais jouer de la guitare. Lorsque j'étais adolescent, je voulais en faire mon métier.Mais c'était un rêve d'adolescent, je ne savais pas ce que j'allais faire - n'importe quoi, aller à l'université pour devenir avocat ... J'ai fait de la biologie à l'université. Puis j'ai commencé à jouer et à voyager. Et je pensais toujours au fait de devenir musicien. J'étais donc désireux d'apprendre la musique en général. Pour être en mesure de jouer n'importe quel genre de musique si quelqu'un me le demandait. Pour être prêt à devenir un bon musicien professionnel. Ensuite j'ai eu mon groupe et mon groupe a commencé à être connu, mais je n'ai jamais voulu devenir une rock-star.
HRH : Vraiment ? Mais tu es une rock star par excellence, non ?
Kiko Loureiro : Je ne suis pas une rock star !
HRH : Mais bien sûr que tu en est une !
Kiko Loureiro : Mais ce n'était pas mon but. Je voulais apprendre la musique, apprendre telle ou telle gamme, comprendre comment jouait tel ou tel mec, plus que de m'inquiéter du fait de savoir si mes chaussures étaient cool ou pas. C'est ce que l'on pense quand on entend l'expression rock star. Bien sûr, il y a de grands musiciens qui sont aussi des stars du rock, mais je pense qu'ils étaient plus musiciens que rock star. Les deux peuvent se combiner quand les gens aiment ta musique, alors tu commences à poser pour des photos et des choses dans le genre, et tu as alors l'image d'une rock star. Moi je voulais grandir en tant que musicien. Je voulais être un meilleur musicien plus que d'avoir du public, plus que d'avoir des photos de moi partout. Cela me procure un bon ressenti quand je sais que j'ai bien joué un soir, plus que d'avoir beaucoup de monde dans le public.
HRH : Tu serais donc plus heureux de jouer dans un petit club où le public comprend entièrement ce que tu joues plutôt que devant un stade en délire ?
Kiko Loureiro : Oui, bien sûr. Devant des gens qui aiment la musique et sont en connexion avec elle. Avec des guitaristes, le public est la plupart du temps composé de guitaristes, ou d'amoureux de la guitare. Ils connaissent leurs "guitar heros" et leur histoire, et donc tu as cette connexion. Mais tu dois aussi te produire dans d'autres endroits où les gens n'en connaissent pas autant sur la guitare. Tu peux jouer pour des enfants qui sont intéressés par l'apprentissage de la guitare pour rentrer dans ce le club fermé des guitaristes. Aujourd'hui, avec Guitar Hero, tu peux avoir des adolescents dans le public qui sont là pour Guitar Hero, et non pour la guitare en elle-même, mais ils sont tellement intéressés qu'ils veulent savoir comment fonctionne une vraie guitare. Et j'aime ça.
HRH : As-tu déjà été dans la situation ou tu dois choisir ou faire un compromis entre le fait de rendre ta musique accessible à un public aussi large que possible, et en même temps, t'exprimer pleinement ? Y-a-t-il un conflit entre les deux, ou un accord peut-il être atteint, un équilibre entre ces deux aspirations ?
Kiko Loureiro : Je ne sais pas exactement répondre à cette question, car il peut y avoir la crainte de quelque chose de trop bizarre, comme par exemple, "je joue quelque chose que j'aime, mais peut-être que je vais trop loin?". Tu peux introduire quelques accords étranges, parce que, par exemple, tu écoutez ce jour là Frank Zappa. Et puis, tu réécoutes le lendemain et tu penses que c'est peut-être trop. Tu dois savoir te donner des limites et présenter aux gens les choses étape par étape. Parfois, j'écoute des trucs bizarres, complètement fous, comme du John Coltrane. Je peux entrer dans du John Coltrane, mais si je veux faire une sorte de feedback, je ne peux introduire ce genre de chose dans mes morceaux, parce que dans mon album, ce serait trop. J'aime quand il utilise les percussions dans ses morceaux, mais je ne peux le faire dans mes morceaux et faire de la "guitare percussion", ce serait trop extrême. J'aimerai jouer de la guitare rock et ensuite ajouter des percussions. Ce qui est différent des guitaristes américains qui jouent et n'ajoutent pas de percussions à leur groove, mais c' est pas si loin. Carlos Santana est un bon exemple sur la manière de combiner la musique latine avec la guitare rock. Il joue rock avec une ambiance latine. ce n'est pas de la musique latine, il joue rock, mais c'est une bonne combinaison. Tu dois montrer au gens du bon sens. Sinon cela ne fonctionne pas.
HRH : Pense-tu qu'il y a plus de liberté quand tu fais un album solo ou quand tu travailles sur un album pour un groupe, avec Angra par exemple ? Te sens-tu plus libre, est-ce plus facile ?
Kiko Loureiro : Oui parce que c'est un album solo. Deuxièmement parce que je suis seul. Un groupe est un compromis avec d'autres personnes. Tu peux aimer un morceau, mais il y a cinq personnes et ils le jouent comme ils en ont envie. Si c'est un album solo, tu peux dire par exemple au batteur : "S'il te plait, fais ce que tu veux mais c'est comme ça que je l'imagine". Il sait que c'est mon album, il respecte donc ce que je lui dis et ma vision de cette musique. Un groupe est différent. Tu dois combiner la vision de cinq personnes pour avoir un concept.
HRH : Dans un groupe, quand penses-tu qu'il est approprié d'être dans le compromis et quand il est temps de diriger toi-même ton travail ?
Kiko Loureiro : C'est difficile, mais quand tu tiens vraiment à un morceau que tu as écrit, tu peux te battre pour ça. Dans des chansons que tu aimes, quelqu'un peut faire une suggestion pour changer un refrain, et tu es ok quand cela te semble bien. Cela peut être super parce que tu as cinq cerveaux qui pensent. Le batteur peut arriver et dire "Nous allons faire comme ça - ce groove plutôt que celui là", et ensuite tu dois l'imaginer. Il est le pro des rythmes à la batterie, pas moi. Il y a des situations différents, alors tu ne sais jamais. Si tu fais les choses seul, tout est à toi. Tu dois y croire, le faire comme tu le sens et espérer que les gens aimeront. Et s'ils n'aiment pas c'est comme "Ils ne m'aiment pas". Cela devient très personnel. Quand c'est ton morceau, c'est comme si c'était toi. Si c'est quelque chose que tu aimes vraiment c'est comme une partie de toi. Et si quelqu'un te dis "Je n'aime pas le morceau", c'est comme si il disait "Je ne t'aime pas". S'ils disent "Je n'aime pas le son", alors c'est cool, c'est Ok. Si on parle du son de l'album, c'est ok. Mais si c'est le morceau en lui-même, s'ils n'aiment pas la mélodie, ça peut faire mal. C'est compliqué.
HRH : Penses-tu qu'être un guitariste rock professionnel a fondamentalement changé depuis ton adolescence ? Penses-tu que les attentes sont plus importantes maintenant ou peut-être moins ? En termes de techinque, de composition, et de savoir théorique ? Penses-tu que c'est plus simple d'être un guitariste de rock maintenant ou l'inverse ?
Kiko Loureiro : J'ai commencé ma carrière professionnelle au début des années 90. Le Grunge avait pris le dessus et fait baissé le niveau des guitaristes par rapport aux années 80. Pas Satriani et Steve Vai qui étaient toujours là bien sûr, mais les autres. Les solos de guitare,comme cela se faisait dans les années 70 et 80, étaient passés de mode . Tout à coup, il n'y avait plus de solos. C'est devenu plus difficile pour les guitaristes des années 80, grand moment de la guitare rock, tout s'est arrêté avec Nirvana, Pearl Jam et tous ces groupes. J'ai trouvé ma place dans un moment difficle pour les guitaristes. Aujourd'hui c'est encore différent parce que c'est l'ère d'internet, et tu peux faire les choses par toi-même et prendre soin de ta carrière. Tu dois prendre soin de tes contacts, de tes photos, de ton album solo et de tes vidéos. C'est différent d'il y a 10 ou 20 ans. C'est aussi plus dur. Et la guitare se plaint parce que tu joues moins (rires). Parce que tu dois gérer beaucoup de choses.
HRH : As-tu prévu de prendre la route pour le nouvel album ?
Kiko Loureiro : Oui, je vais jouer en Italie en Novembre. C'est loin. Ensuite je vais au Japon en octobre et vais faire une tournée en Asie pour Laney, en octobre aussi et en novembre nous allons tourner avec le trio (Neural Code). j'ai mes concerts en solo mais aussi avec le groupe, et il faut combiner les deux agendas.
HRH : J'ai une dernière question un peu maladroite. J'espère que tu ne m'en voudras pas et tu n'es pas obligé de répondre. Si tu pouvais avoir une réponse à n'importe quelle question, que demanderais-tu ?
Kiko Loureiro : Wow, bien sûr, ce serait à propos de l'existence de Dieu."
Pour plus d'infos : HardRock Haven
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